Bienvenu à Lutetia

Edourad Kiefer est responsable de la sécurité de l'hôtel Lutetia à Paris, l'essentiel de sa vie se résume à ce lieu mythique car il n'en franchit quasiment jamais les portes.

A travers ce personnage atypique, Pierre Assouline décrit l'atmosphère particulière de cet hôtel, qui au milieu du XXe siècle aura été investi successivement par la grande bourgeoisie européenne, les nazis, sous l'occupation, et enfin les rescapés des camps d'extermination. Des clients peu ordinaires pour une période on ne peut plus tourmentée et ambigue de notre histoire.

L'écriture de Pierre Assouline est limpide, juste ce qu'il faut pour combler mon plaisir de la belle langue française, quelques jolies phrases semées par ci par là, sur lesquelles je m'arrête un instant. Je lis, relis, note parfois.

En voici une : " pendant un moment, côte à côte, nous évitâmes d'abimer le silence".

Encore une ? aller pour le plaisir : "On a chaque jour, une poignée d'heure de coïncidence avec les autres, guère plus. Parfois quelques secondes suffisent. Le reste du temps on est tout seul."

et celle là... très belle aussi : "Un seul mot peut créer la magie là où un mot de trop la dissipe."

Ce roman est "sans un mot de trop", très documenté,(il semble que Pierre Assouline soit entré pour l'occasion dans la peau du héros de son roman "La cliente") toujours en équilibre subtil entre le meilleur et le pire de chacun, il laisse le lecteur libre de répondre à la question qui tourmente le narrateur : jusqu'où peut-on aller sans trahir sa conscience ?

Une dernière pour la route: "l'humanité et singulièrement la clientèle d'un grand hôtel peut s'envisager dans la perspective exclusive de ses chaussures. les modes, les époques, les révolutions se reflètent pour l'essentiel au ras du sol".

La république des livres  blog litteraire de P. Assouline